Prise de position du Centre social protestant de Genève
Genève, le 4 mai 2016 / Le 5 juin 2016, le peuple suisse sera une nouvelle fois amené à voter sur une révision de la loi sur l’asile, suite au référendum demandé par l’Union démocratique du centre (UDC). Le Centre social protestant de Genève (CSP Ge) préconise de voter blanc le 5 juin prochain pour signifier ses sérieuses inquiétudes face à ce qui doit être qualifié de nouvelles atteintes aux droits des demandeurs d’asile, ainsi que son rejet ferme des thèses mensongères soutenues par l’UDC à l’encontre de cette révision.
Bref rappel des enjeux
Le 9 juin 2013, le peuple acceptait à 78,4% les mesures urgentes de la loi sur l’asile, combattues par un front large d’organisations de défense du droit d’asile. La suppression des demandes d’asile auprès des ambassades suisses, l’exclusion de la désertion en tant que motif de reconnaissance du statut de réfugié, l’instauration de centres spécifiques pour demandeurs d’asile récalcitrants et l’introduction d’une phase de test, destinée à l'expérimentation de nouvelles procédures d'asile visant l'accélération du traitement des demandes, constituaient le noyau dur des mesures contestées.
La votation du 5 juin 2016 porte sur un double enjeu, à savoir d’une part l’intégration dans le droit ordinaire des mesures urgentes et, d’autre part, l’inscription dans la loi des modalités des nouvelles procédures expérimentées depuis 2014 dans le cadre de la phase de test menée à Zurich.
La nouvelle loi soumise en votation le 5 juin comprend en particulier deux mesures :
• Accélération des procédures pour 60% des requérants, hébergés dans des centres fédéraux.
• Instauration pour ces requérants d’une représentation légale gratuite dès le début de la procédure.
Accélération et centralisation des procédures dans les centres de la Confédération
Présentée au peuple suisse comme une avancée en faveur des réfugiés, qui seraient ainsi rapidement fixés sur l’issue de leur demande de protection, la révision instaure en réalité une procédure accélérée à la cadence infernale. Les délais extrêmement courts prévus à toutes les étapes de la procédure sont contraires à une procédure réellement équitable et aux droits procéduraux des demandeurs d'asile. À commencer par une réduction drastique des délais de recours pour 60% des demandes, de 30 à 7 jours ouvrables, et par l’obligation pour les demandeurs d'asile d’établir les faits pertinents dans des délais insoutenables, au risque de nombreuses erreurs d’appréciation pouvant leur être fatales.
L’ensemble de la procédure est mené en 140 jours dans le huis-clos de centres fédéraux, souvent isolés des réseaux de soutien existants et sans garantie d’accès pour la société civile.
Les réfugiés potentiels, dont les autorités jugeront en revanche la demande trop complexe et susceptible de déboucher sur une décision favorable, se verront comme aujourd’hui attribués à un canton, dans l’attente d’une décision qui tardera encore et toujours à venir, prétéritant leurs possibilités d’intégration.
L’accélération vise donc avant tout les décisions de renvoi, dont le traitement sans révision aucune est déjà très bref, alors même que l’exécution desdits renvois reste difficile, voire impossible dans de nombreux cas. Elle ne fera donc qu’augmenter plus rapidement l’effectif des personnes déboutées et des disparitions dans la clandestinité, comme le confirment déjà les rapports d’évaluation sur la phase de test actuellement mise en oeuvre à Zürich.
Le CSP Ge ne peut que déplorer la cristallisation, dans la loi, d’un système de priorisation des demandes d’asile destiné à accélérer des renvois toujours aussi improbables que par le passé, sans vision réelle pour l’amélioration de la protection des réfugiés en Suisse.
Des avocats gratuits ?
En contrepartie de ces atteintes drastiques aux délais de procédure, les demandeurs hébergés dans les centres de la Confédération se verront garantir un conseil et une représentation juridique gratuite dès le début de leur procédure et jusqu’à la décision du Secrétariat d’État aux migrations (SEM). Pour leur procédure de recours en revanche, l’aide d'un représentant légal ne leur est pas garantie, puisque la loi prévoit que celui-ci pourra décider unilatéralement de renoncer à leur défense. Les avocats gratuits tant décriés par l’UDC seront ainsi, en réalité, des juristes salariés par le SEM, dont l’indépendance reste sujette à caution, et incités à ne pas faire recours, contre l'avis de leur client.
Pour les cas complexes attribués aux cantons et susceptibles de déboucher sur une protection en Suisse, aucune représentation juridique n’est en revanche prévue par la nouvelle loi pour assurer leur défense auprès de l’instance de recours, une lacune incompréhensible et regrettable.
Prorogées jusqu’en 2019, le Parlement se verra en tel cas saisi une nouvelle fois de la révision de la Loi sur l’asile, y inscrira les mesures urgentes largement légitimées en votation populaire et confirmera la plupart des durcissements qu’il a déjà acceptés, sans protection juridique aucune.
Ce scénario probable conduit le CSP Ge à écarter l’appel à voter non à la révision le 5 juin 2016.
Le CSP Ge rappelle que la Suisse a été exhortée, par les instances onusiennes, à remédier aux carences existantes en matière de protection juridique et que sa participation aux accords de Dublin nécessite également la mise en conformité de sa législation sur ce volet, quelle que soit l'issue de la votation.
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